Vibrations florales
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Il y a dans ces peintures une sensation immédiate de souffle, comme si chaque geste avait été posé dans un état d’élan pur, avant même que la pensée n’intervienne. La matière n’est pas appliquée : elle est projetée, étirée, soulevée, laissée vivre. On est ici dans une peinture du ressenti, où la nature n’est pas un motif mais une présence, une énergie qui circule à travers la couleur.
Les formes évoquent parfois des fleurs — coquelicots, iris, cactus — mais jamais directement. Elles apparaissent comme des réminiscences, des silhouettes éphémères, des éclats de souvenirs. Ce ne sont pas des fleurs observées, mais des fleurs ressenties, des présences qui surgissent dans l’instant du geste, dans l’intuition d’un mouvement.

Ce travail s’inscrit dans la lignée de l’abstraction lyrique, non pas par référence théorique, mais par affinité naturelle avec ses principes : le geste comme expression d’un état intérieur, la couleur comme véhicule d’émotion, la spontanéité comme moteur créateur. On pense aux fulgurances de Hartung, à la lumière diffuse de Zao Wou-Ki, à la liberté irisée de Joan Mitchell — mais seulement comme des échos lointains. La peinture ici s’écarte de toute filiation pour ouvrir sa propre voie et devenir un acte instinctif, où la main ne dicte plus : elle suit l’impulsion intérieure.

Ce qui frappe d’abord, c’est la gestuelle, très engagée physiquement. Les traces sont larges, rapides, souvent déposées d’un seul élan. On devine un mouvement chorégraphique, presque dansé : une peinture qui naît du corps entier, du poids du bras, de l’axe du buste, de la respiration. Les projections ajoutent une part d’imprévu, une sorte de pluie de matière qui vient troubler l’ordre du geste principal, comme un souffle ou un battement.
La lumière joue un rôle essentiel. Les pigments métalliques captent l’espace et le restituent différemment selon le regard. Ils transforment chaque toile en surface mouvante, jamais tout à fait la même, offrant des passages dorés, des éclats soudains, des zones d’ombre qui s’ouvrent ou se referment. La peinture devient vivante, presque organique. Cette mobilité lumineuse renforce le caractère lyrique de la série : un art qui ne se fixe jamais, qui choisit d’être mouvement, vibration, souffle.
Dans l’ensemble de la série, on ressent un rapport intime au monde végétal, non pas au sens botanique, mais au sens vital : ce qui pousse, ce qui s’étire, ce qui éclot, ce qui résiste. Les verts profonds des “cactus”, les pourpres et noirs verticaux des “iris”, les rouges vibrants des “coquelicots”, tout cela semble animé par une même force d’expansion, une même envie de se déployer.

Ce sont des peintures qui ne racontent pas. Elles respirent.
Elles ne décrivent rien, mais elles rendent sensible la présence du vivant. Elles ne montrent pas la fleur : elles révèlent l’énergie qui la fait naître.
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